lundi 31 mai 2010

Christian Vanneste, ou le mariage « différent et complémentaire »

Dans le billet précédent, nous avons montré comment le député du Nord Christian Vanneste utilise des arguments fallacieux et trompeurs pour rapprocher l'homosexualité de l'éphébophilie, afin de stigmatiser les gays en les faisant passer pour des pédophiles.
La fin de son article concernait cependant le mariage, et mérite à elle seule un supplément de douceurs que nous vous livrons ici tant l'auteur persiste dans l'art de manipuler son lectorat.

En effet, le député essaie d'établir son incompatibilité avec les couples homosexuels, en suivant un cheminement progressif pour diluer ses incohérences. En premier lieu, le mariage représenterait « l’accord de deux personnes différentes et complémentaires ». Dès le départ, Christian Vanneste essaie de de débarrasser des ménages de même sexe en introduisant la différence des deux parties, qu'on imagine pour lui se situer au niveau biologique, ce qu'il essaie d'ailleurs de faire croire insidieusement au lecteur par cette formulation ambigüe. C'est évidemment totalement réducteur, la différence et la complémentarité réelles de deux personnes se plaçant sur un plan intellectuel et affectif. La preuve est accessible : ces éléments sont également nécessaires à l'amitié, qu'on sait ne pas dépendre du sexe des individus mais des affinités entre les personnes, impossible à résumer ou identifier à leur physiologie. D'ailleurs, la frontière entre amour et amitié peut s'avérer tenue ; il serait absurde de vouloir les y opposer. Ce qui signifie bien que la différence biologique n'est pas un prérequis à la complémentarité.
Ce point ne présente donc pas plus d'incompatibilité avec les couples homosexuels que le suivant, selon lequel le mariage serait un « accord pour la vie de 2 libertés qui veulent et veulent les conséquences de ce qu’elles veulent » (admirez la clarté du propos qui cache en outre une maxime des plus plates). Les personnes de même sexe souhaitant se marier acceptent en effet parfaitement à cette description.

Enfin, le mariage doit également être « parfaitement conforme à l’intérêt présent et futur de la société ». Impossible de cacher notre étonnement de voir Christian Vanneste, député de la République Française, se targuer de connaitre les intérêts actuel et à venir de notre société, et mieux, de se sentir investi d'une mission visant à les défendre pieusement contre ses ennemis - à savoir les homosexuels. Mais les positions précédentes du personnage nous permettent de deviner qu'il fait ici référence à la reproduction. Car en effet, les gays ne font pas d'enfants.
Mais en utilisant cet argument pour exclure du mariage les couples de même sexe, suppose-t-il que le mariage les rendrait encore moins fertiles ? Ou pense-t-il que cette opportunité ferait progresser leur nombre ?
« Papa, maman, j'ai décidé de devenir homosexuel, comme ça je pourrai me marier avec mon cousin Nicodem ! Je n'y avais pas songé avant car le Pacs ne me tentait pas vraiment, mais la possibilité de contracter une réelle union institutionnelle et de bénéficier ainsi d'une responsabilité accrue à l'égard de mon conjoint a levé toutes mes incertitudes ! »
C'est dans les deux cas méconnaitre totalement la problématique concernée : l'homosexualité n'est pas contagieuse, et les gays sont déjà dans l'incapacité de procréer biologiquement. Le mariage ne changerait absolument rien aux questions soulevées par le député.
Il ne s'agit clairement que d'un prétexte, qui masque en réalité un mode de pensée inquiétant : vouloir conditionner l'union des gens à l'intérêt de la société ! Quelle ingérence dans nos vies, et que de dérives potentielles cette idée introduit-elle. Il faut faire des enfants. Devrait-t-on conditionner le mariage à la création d'une progéniture en bonne santé, ou le refuser aux couples stériles ? Et à ceux dont le patrimoine génétique rend probable la naissance d'un handicapé, que l'État devra assister ? Ce raisonnement par l'absurde illustre simplement l'incohérence de cet argument. Le mariage est l'union de deux êtres, avant de servir l'« intérêt de la société ».
Il va sans dire que s'il est vital pour notre pays que chacun assure sa descendance, Christian Vanneste soutiendra avec ferveur l'adoption pour les couples de même sexe, qui permettrait de faire remonter légèrement la moyenne nationale et ainsi de compenser la stérilité des unions homosexuelles...

Plus sérieusement, il est improbable qu'un député de la république défende de tels points de vue liberticides ; on se situe bien dans le registre de la surenchère où les positions les plus extrêmes sont employées pour défendre des opinions qui ne peuvent l'être autrement. Tout cet argumentaire en faveur du mariage hétérosexuel n'a pas de fondement rationnel et ne repose que sur les dogmes de Christian Vanneste : si la situation est telle, c'est qu'elle est fondée ; toute tendance visant à la remettre en cause ou à faire évoluer certains prémices sur lesquels sont basés notre société est contraire à l'ordre des choses.

Ce mode de pensée auquel les représentants de l'Église ont eu recours pendant le procès de Galilée ou quand la traite des noirs était en débat, et que le député reprend à son compte pour condamner l'homosexualité, a amplement prouvé ses limites par le passé.
Tous les axiomes sur lesquels se basent notre société ne sont pas au dessus de toute remise en question, et c'est justement l'intelligence du politique que de ne pas les laisser brider leur réflexion.

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